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21. Post-scriptum

C’est à n’y plus rien comprendre. 
Comme si tout s’était inversé. 

Nous étions sensés partir dans l’une des régions les plus hostiles de la planète. 
Hostile par son climat et ses conditions vie. 
Hostile par son isolement, par tout un ensemble de difficultés nouvelles 
(trouver de l’eau, de la nourriture, se découvrir le bas du dos par -20°C). 

De retour ici, à Marseille, dans ces rues si bien agencées, parmi cette foule
déterminée et fluide qui vaque à mille et une occupations apparemment essentielles, 
dans cet appartement du centre ville où l’eau coule à volonté, 
où la chaleur inonde les corps après avoir tripoté quelques modestes boutons,
je regarde les visages, j’observe les comportements, je suis réveillé ce matin par la voix rauque de jeunes gens hurlant dehors, 
comme des fauves, et je prends conscience de la paix et de l’humanité solidaire
que je viens de quitter, tout là-haut, où certains d’entre vous sont encore. 

Non que je veuille idéaliser ce bout de monde qui, heureusement, est gagné aussi par quelques travers humains, trop humains. 
Mais, c’est bien connu, du contraste et du voyage naissent un autre regard sur le monde qui nous est le plus familier. 

Alors à ceux qui y sont encore, savourez ce climat auquel on finit par s’adapter, 
dégustez ces moments où vous allez chercher votre eau, au milieu de ce lac immensément et magnifiquement gelé, 
appréciez les regards de nos complices inuit qui, à défaut de légumes et autres fruits, cultivent encore ce si bel esprit d'entraide et de solidarité.

A ceux qui, comme moi, n’y sont plus, que la chaleur de nos si beaux souvenirs partagés et de nos dernières accolades vous accompagne
dans les moments où vous doutez ou lorsque l’hostilité de nos milieux civilisés vous fouettent malencontreusement. 

A celles et ceux qui n’y sont pas allés et qui liront peut-être ces lignes, 
je veux dire que l’hostilité d’un environnement est l’occasion pour nous humains,
de goûter à ce que nous avons su développer de plus précieux: la solidarité, sous toutes ses formes, vaccin à l’ineffable adversité. 

Une accolade solidaire et chaleureuse à tous.